Mémoire ou Histoire ?
Assiste-t-on, en France, à un conflit des mémoires? Les revendications identitaires et les lois mémorielles menacent-elles la cohésion nationale? Sommes-nous entrés dans l'ère du ressentiment et de la pénitence perpétuelle? A l'avenir, le passé est-il destiné à freiner le temps présent?

En Mars 1958, Albert Camus, dans l'avant-propos de son ouvrage "chroniques algériennes (1939-1958)", nous mettait en garde contre la pénitence perpétuelle. Il écrivait : "Le temps des colonialismes est fini, il faut le savoir seulement et en tirer les conséquences. Et l'Occident qui, en dix ans, a donné l'autonomie à une douzaine de colonies mérite à cet égard plus de respect et, surtout, de patience, que la Russie qui, dans le même temps, a colonisé ou placé sous un protectorat implacable une douzaine de pays de grande et ancienne civilisation. Il est bon qu'une nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle peut avoir encore de s'estimer elle-même. Il est dangereux en tout cas de lui demander de s'avouer seule coupable et de la vouer à une pénitence perpétuelle". extrait des "chroniques algériennes (1939-1958)".

Un peu plus tard, Pascal Bruckner dans son livre " Le sanglot de l'homme blanc", réitère les craintes exposées par Camus trente ans plus tôt : " l'idée force selon laquelle nous appartenons à une civilisation maudite, promise à la disparition, à la fois infirme et infâme, demeure l'axe central de nombreuses réflexions et irrigue encore toutes sortes de disciplines, telles la sociologie et l'ethnologie. On voit ainsi d'honorables retraités de l'Education nationale, dûment pensionnés et jouissant de toutes les garanties de l'Etat de droit, célébrer à grand fracas, depuis leur confort, la figure du terroriste et se prévaloir d'une posture radicale. Que dire également de la vague de repentances qui gagne comme une épidémie nos climats, sinon qu'elle est la meilleure des choses à condition d'admettre la réciproque et de s'étendre à la totalité de l'espèce humaine? Le jour où tous les Etats, religions, cultures reconnaîtrons leurs forfaits sans que cela ne diminue en rien les horreurs spécifiques de l'Europe et de l'Amérique de Nord sera un jour de progrès pour l'humanité entière. La contrition ne saurait être réservée à quelques-uns et l'innocence accordée aux autres". extrait de " Le sanglot de l'homme blanc".


Sur France culture, plusieurs émissions ont été consacrées à ces questions. La luette vous invite à les écouter.

Les matins de France Culture: une émission avec l'historien Jean-Pierre Rioux. Auteur d'un ouvrage qui s'intitule "La France perd la mémoire! " accompagné d'un sous titre polémique "Comment un pays démissionne de son histoire ". La réflexion de Jean-Pierre Rioux se fonde sur l’étude des années 1975 à 2005, qu’il rebaptise avec sarcasme «les trente mémorieuses»... suite

En complément ou en opposition à l'émission consacrée au livre de Jean Pierre Rioux, l'interview de Maryse Condé et de Gaston Kelman. Les deux invités, s’entendent pour considérer la journée de commémoration de la traite négrière comme un symbole fort, mais pas suffisant. Refusant la victimisation, les deux écrivains insistent sur la nécessité d’ « aller de l’avant » en se débarrassant des complexes... suite

Travaux Publics en Isère [5/5] : D'Astérix à Marianne... une certaines idée de la France. Jean Lebrun recevait deux invités, Olivier Ihl, directeur de Sciences Po à Grenoble et Nicolas Rouvière, maître de conférences en langue et littérature à l'IUFM de Grenoble, comédien et footballeur à ses heures, auteur de Astérix ou les lumières de la civilisation qui vient de paraître aux Presses Universitaires de France. Qu'est-ce qui fait encore unité et communauté en France ?... suite

Répliques: Alain Finkielkraut recevait dans son émission du samedi matin, deux invités pour tenter de répondre à la question : Y a t il une question noire ne France ?. Pour y répondre Françoise Vergès, professeur d Histoire à l'Université de Londres et vice-présidente du Comité pour la Mémoire de l'Esclavage. Et Stephen Smith, journaliste-écrivain. Ancien responsable Afrique de Libération, puis du Monde, il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Négrologie et Pourquoi L’Afrique meurt (Prix France télévision 2003)... suite